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La situation linguistique de la Nouvelle-Calédonie, pays de près de 300 000 habitants avec une superficie équivalente aux 2/3 de la Belgique, se caractérise par l’utilisation généralisée du français au sein d’un bassin de populations parlant de très nombreuses autres langues : vingt-huit langues vernaculaires kanakes auxquelles il convient d’ajouter celles de populations immigrées. Par ordre d’importance, citons le wallisien et le futunien, le vietnamien, le javanais, le tahitien, le créole de la communauté antillaise, le bichlamar des Vanuatais, le chinois etc.

Cette importance du français se comprend aisément compte tenu du nombre de langues kanakes et de l’absence de l’émergence d’une langue locale. Si l’avenir du français en tant que langue majeure du pays est assuré, faut-il pour autant délaisser les autres ?
Comme la langue est le fondement de toute identité culturelle, sa disparition entrainerait un appauvrissement irrémédiable de la culture qui n’aurait plus de support pour se développer. Celle-ci se folkloriserait alors inéluctablement. La langue n’est pas seulement un véhicule de communication, mais elle est la marque, avant tout, de la représentation d’un ensemble de connaissances, de comportements et de traditions propres à une population.
Au sommet de Cotonou en 1995, le monde francophone s’est mobilisé pour la défense des langues locales qu’on appelle depuis, langues partenaires. En 2005, la convention de l’UNESCO sur la préservation de la diversité culturelle avec son volet linguistique a confirmé cette évolution. En Nouvelle-Calédonie, l’Accord de Nouméa de 1998 a prévu l’enseignement des langues locales et leur vulgarisation, ce qui permet au pays d’être en phase avec ce nouvel humanisme. Cet accord précise que les langues kanakes sont, avec le français, des langues d’enseignement et de culture.
Si la connaissance de la langue maternelle est un facteur d’équilibre et de richesse constaté par tous les linguistes, il est un domaine qui prend aussi toute sa place, c’est celui de la scolarisation. Toutes les études montrent qu’un enfant qui maitrise sa langue première aura beaucoup plus d’atouts pour appréhender la langue véhiculaire et réussir une bonne scolarité. La scolarisation touche en Nouvelle-Calédonie 100% de la population mais les études montrent que près de 20% des Calédoniens sont considérés comme illettrés avec une mauvaise connaissance tout autant de la langue maternelle que du français, entrainant une marginalisation de leur place dans la société et ouvrant la porte à des dérives pouvant aller à la délinquance.
L’apprentissage des langues locales dans les premières années du cursus scolaire se développe mais il y a un grand retard à rattraper. Cet illettrisme touche davantage les hommes que les femmes. La vie moderne nécessitant un minimum de maitrise écrite de la langue (dossiers scolaires à compléter, prises en charge de soins de santé à rédiger, passer son code de la route, lire des notices…) il y a urgence. Plusieurs municipalités ont mis en place des services d’aide, des écrivains publics afin d’aider ceux qui qui rencontrent des difficultés dans ce domaine. Dans le grand Nouméa, des personnes de bonne volonté aident, à titre privé, les illettrés dans les tâches essentielles de la vie quotidienne. Mais les besoins sont importants et puis il est parfois difficile aux illettrés de montrer leur vrai visage car la honte n’est pas loin.
On ne peut appréhender et comprendre d’autres cultures que si l’on se sent bien dans la culture de ses origines dont la langue est l’essence même. Dans le brassage interethnique de la Nouvelle-Calédonie, la vitalité des échanges culturels est une nécessité pour le développement harmonieux des différentes communautés et pour la construction d’une citoyenneté calédonienne tolérante et ouverte. Le destin commun ne pourra, en effet, se réaliser sans être authentique dans sa propre culture dont la langue est la base. C’est une nécessité pour pouvoir communiquer avec ceux qui sont de culture différente. Le respect de l’Autre ne peut se faire que si on se respecte soi-même. Par ailleurs, la connaissance d’une culture différente de la sienne ne peut s’approfondir que par la langue non seulement orale mais aussi écrite car, à l’ère d’Internet, l’écrit reste toujours indispensable.
Daniel MIROUX

Économiste de formation, Daniel MIROUX est président-fondateur de l’Alliance Champlain. Cette association, créée en 1985 à Nouméa, pour promouvoir la langue et la culture françaises a diversifié ses actions à partir de 1998, en apportant sa contribution à l’épanouissement des langues kanakes de la Nouvelle-Calédonie.
Après la parution en 2003, de TUSI HWEN IAAI le premier manuel de conversation français-iaai, après le TUSI HWEN IAAI AE GAAN, le dictionnaire français-iaai, édité en 2007, après le TUSI HWEN IAAI AE THEP Le guide historique et linguistique de Iaai, édité en 2010 avec le concours de l’Académie des Langues Kanak,
 après LE PARLONS IAAI édité en novembre 2011 à Paris dans la collection “PARLONS” aux éditions L’HARMATTAN, voici en 2019 LE LEXIQUE IAAI-FRANÇAIS et FRANÇAIS-IAAI .

Daniel Miroux